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Nouveaux outils pour l’agroalimentaire

Présentation de Patrice Houizot sur les nouveaux outils pour l’agroalimentaire.

Industriels de l’agroalimentaire, entreprises du numérique et recherche académique ont travaillé ensemble sur le projet collaboratif Meatylab, solutions innovantes, numériques et alimentaires, pour :

  • Construire et structurer une base de connaissances des données ingrédients
  • Travailler sur les fonctionnalités des proteines végétales pour pouvoir formuler des produits avec moins de protéines animales et plus de protéines végétales et ainsi répondre à des problématiques environnementales de réduction de la consommation de la viande.
  • Développer un générateur d’étiquettes nutritionnelles de calcul et d’optimisation du nutriscore à destination des bouchers charcutiers traiteurs.

Tels sont les enjeux de ce projet collaboratif que Patrice Houizot, va vous présenter dans cette interview :

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Retrouvez ci-dessous la restranscription complète :

Je vais vous parler des outils spécifiquement développés pour l’agroalimentaire, dans le cadre d’un projet collaboratif, Meatylab.

L’objectif de ce projet collaboratif était de développer des solutions numériques et alimentaires : des solutions innovantes dédiées notamment à tout ce qui concerne la formulation dans le domaine de la filière charcutière, avec un sous-objectif du côté des protéines, trouver comment valoriser les protéines végétales dans la charcuterie.

Meatylab, c’est un consortium de plusieurs partenaires, dont le chef de file est Solina. On compte aussi, dans les partenaires, le groupe Avril, les sociétés Acsystème, Novelios et Jean Henaff, le centre technique Adria développement, et quatre laboratoires de l’Inrae (BIA, IATE, MIA et I2M).

En termes de recherche et développement, Meatylab, c’est un effort global de plus de 5 millions d’euros, dont un peu moins de 2 millions d’euros ont été subventionnés par BPI France, Région Bretagne et Rennes Métropole. C’est un projet qui a démarré en 2017, et qui vient juste de se terminer en septembre 2020.

1. Capitalisation et partage des savoir-faire.

Le premier volet du projet Meatylab concerne la connaissance et le savoir-faire. C’est un domaine dans lequel les outils numériques peuvent aider beaucoup de gens. L’Inrae de Bordeaux avait déjà beaucoup travaillé sur l’ingénierie de la connaissance, et sur les manières de structurer cette connaissance et de la diffuser le plus efficacement possible à un public d’apprenants.

L’Inrae a réalisé des études théoriques sur la présentation des informations, de manière à en faciliter l’assimilation, donnant lieu à une première version du “livre des connaissances”. Dans le cadre du projet Meatylab, on s’est attaché à développer des applications modernes pour faciliter la saisie des informations (créer du contenu de manière plus simple), et aussi diffuser ces informations et ces savoir-faire sur des supports faciles d’accès, comme les smartphones. On a conçu une application personnalisable, pour que chaque industriel puisse l’adapter à ses propres besoins, et y intégrer son propre savoir-faire et ses propres procédures. L’application est généralisable à bien d’autres domaines que l’agroalimentaire : la cosmétique, la fabrication de peintures…

2. Fiabilisation des données pour la formulation.

Le deuxième volet concerne les données, et notamment les données « ingrédients », très importantes pour la formulation (création de recettes).

Quand je crée une recette, pour savoir par avance quel va en être le résultat, et cela de manière informatique, il faut nourrir mon programme informatique avec un certain nombre de données très précises sur les ingrédients de cette recette. C’est possible de le faire à la main, mais cela représente un travail énorme, et tout le monde va refaire ce même travail. L’idée est donc de rendre les choses génériques et réutilisables par tous.

De nouveau, on s’est appuyés sur des travaux théoriques de l’Inrae (de Montpellier cette fois-ci), aidés par AgroParisTech, sur la sémantique et la structuration des données, c’est-à-dire sur le moyen d’organiser la connaissance présente dans ces informations, de manière intelligente et partagée. L’idée est d’avoir d’abord un vocabulaire commun, afin d’unifier la manière de faire des requêtes sur une base de données, de manière à récupérer les informations d’où qu’elles viennent (les données peuvent provenir d’Anses Ciqual, USDA ou autres bases de données encore).

Il y a donc eu un gros travail de structuration, complété par un travail manuel d’alignement et d’annotation des données. Il y a des choses toutes simples à compléter dans les bases de données. Par exemple, pour calculer un Nutriscore, nous avons besoin de savoir si un ingrédient est un légume. Et bien bizarrement, cette information ne se trouve pas nativement dans toutes les bases de données. On peut donc chercher ce que l’on veut sur la tomate, mais ça ne va pas nous dire si c’est un légume, et pourtant c’est une information importante.

Toutes ces informations qui sont évidentes pour l’homme de métier, et parfois absentes des bases de données, ont été ajoutées à la main, de manière à constituer un ensemble cohérent et unifié. C’est un volet important, qui a abouti à des outils qui ne sont pas encore tous industrialisés, mais dont l’industrialisation est en cours d’étude avec l’Inrae.

3. Évaluation numérique des formulations

La question est maintenant, quel va être le résultat de ma recette ? Je l’ai conçue, j’ai indiqué les ingrédients, et maintenant ce qui m’intéresse, c’est de qualifier ce que va produire ma recette, sans forcément la réaliser concrètement.

Pour cela, nous avons développé une application de création de recettes, dont Samuel Prat à fait la démonstration sur notre chaine Youtube. Elle permet de générer des étiquettes de composition nutritionnelle, de calculer le Nutriscore ou d’autres notes nutritionnelles.

Le Nutriscore est une note publique, qui se calcule en lisant la notice et en appliquant les consignes. Des notes comme celle attribuée par Yuka ne sont pas publiques. Néanmoins, en collectant suffisamment de produits et de notes Yuka, on peut demander à une intelligence artificielle d’apprendre le comportement de l’algorithme de notation et tenter de le reproduire. C’est la méthode que nous avons employée pour estimer de la manière la plus juste possible la note Yuka d’un produit, avant qu’il sorte. Nous sommes très satisfaits des résultats obtenus. On pourrait appliquer la démarche avec d’autres notes, comme Siga, ou l’eco-score.

Ces travaux ont été menés par Adria développement, Solina, Inrae Montpellier et Acsystème.

4. Optimisation des recettes.

Une fois que l’on est capable de prédire le résultat d’une recette, on peut chercher quelles modifications réaliser pour obtenir un résultat souhaité. On peut y aller à tâtons, mais on peut aussi demander à un algorithme de le faire automatiquement. Si mon résultat souhaité par exemple, c’est de passer mon Nutriscore de D à C, que dois-je modifier dans ma recette pour y parvenir ? C’est là l’objectif des outils d’optimisation.

L’optimisation peut se faire selon de nombreux critères :

  • diminuer le prix de revient, tout en respectant la composition nutritionnelle (c’est plus adapté à la nutrition animale qu’à la nutrition humaine)
  • optimiser le score (nutriscore, Yuka, etc.)
  • agir sur la texture finale (pour cela, il faut être capable d’estimer et de prédire la texture du produit d’une recette, sans même l’avoir réalisé, c’est le sujet de la conférence de Syntyche Gbéhounou).

Attention néanmoins, pour le moment, on ne sait pas encore prédire le goût d’une recette. Même la prédiction de la texture, malgré des premiers résultats encourageant, reste un travail exploratoire.

5. Travaux exploratoires

À travers ce projet Meatylab, nous avons développé des applications, certaines industrialisées, d’autres industrialisables, mais un certain nombre de travaux restent exploratoires :

  • sur la texture, la généralisation de ce qui a été fait sur la texture d’un aliment quelconque reste extrêmement complexe. Des travaux sont en cours, et d’autres projets auront lieu sur ce sujet.
  • sur la durée de conservation des aliments (DLC), qui est une des préoccupations importantes dans l’agroalimentaire, des travaux ont été menés avec Adria développement, mais pas encore industrialisables.

Pour approfondir le sujet : écrivez-nous à « acsysteme@acsysteme.com ».

Questions :

– À quel point les prédictions des notes Yuka sont-elles fiables ?

C’est assez difficile de s’avancer sur la question, car une intelligence artificielle (IA), c’est une boîte noire (en référence à ma conférence de l’an dernier sur les modèles boites noires/boites blanches) .

Elle va apprendre sur un domaine d’apprentissage défini par les informations qu’on lui fournit. Pour tout ce qui reste dans ce domaine, elle peut être relativement précise, mais dès que l’on sort de ce champ-là, on ne sait pas si l’on peut s’appuyer sur ce modèle ou non. Sur ce que l’on a testé, nous avons de bons résultats, néanmoins, nous ne prétendons pas faire un estimateur de note Yuka qui remplace Yuka. Nous n’avons pas cherché à vérifier l’exhaustivité de la chose, mais cela serait envisageable. Plus on a de données, plus l’apprentissage est précis.

– Qu’est-ce qu’une connaissance concrètement ?

La connaissance est quelque chose de vaste, et dans notre “livre des connaissances”, elle se situe à différents niveaux. Il y a la connaissance métier, ou savoir-faire. Par exemple dans la charcuterie, comment découpe-t-on un cochon ? Il s’agit d’un savoir-faire bien précis, qui a fait l’objet de fiches. Ces fiches ont été insérées dans le “livre des connaissances” et sont consultables par tous les utilisateurs.

Il y a aussi les recettes. Toujours dans l’exemple du livre des connaissances « boucherie-charcuterie-traiteur », un traiteur sera content de pouvoir y trouver des recettes de boudin, ou de tripes à la mode de Caen.

On trouve aussi les aspects réglementaires, qui sont importants. Et même si cela sort un peu de la connaissance, à partir du moment où dans notre développement des outils, on a su automatiser du savoir-faire, il faut prendre en compte les outils de calcul de conformité.

– Y’a t’il déjà eu des retours sur les intérêts des industriels de l’agroalimentaire pour ces outils numériques ?

C’est un peu tôt, car il y a eu peu de communication en amont. On sent bien qu’en interrogeant les industriels, nombre d’entre eux sont confrontés à des tâches manuelles, peu automatisées, et peu outillées aujourd’hui, et le besoin d’outils est bien réel pour eux. Dire que ce que l’on a développé répond à tous les besoins serait prétentieux, cela reste un projet de développement et d’innovation collaboratif. Mon premier sentiment, c’est qu’il y a beaucoup de besoins différents, et qu’il y a besoin d’outils très personnalisés dans ce domaine.

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